« Vous avez le droit de rester silencieux. Pour toujours ». Les amateurs éclairés du MANIAC COP de William Lustig se souviennent de l’accroche iconique de cette série B exemplaire. La formule résonne cependant différemment dans l’esprit des fans de Robert Z’Dar, depuis que celui-ci nous a quitté le 30 mars 2015 à l’âge de 64 ans, des suites d’un arrêt cardiaque.
Petite expérience personnelle : quand vous vous prenez un film comme ROBOCOP en pleine poire à l’âge de 12 ans, vous ne vous dites qu’une chose : tous les films qui se terminent en « cop » sont synonymes de qualité, c’est obligé ! C’est facile quand même l’analyse cinématographique quand on a 12 ans ! En attendant les RENT-A-COP, ONE GOOD COP, CYBORG COP, FUTURE COP, KARATE COP, GLADIATOR COP et autres BANANA COP (oui, ce titre existe et on l’a vu !), le prochain film à atteindre votre « must-see list » n’est autre que le MANIAC COP de William Lustig, qu’on ne présente plus aujourd’hui : un titre qui sent bon l’œuvre fragile, en danger, raffinée et délicate, à ce point même que les distributeurs français ont longuement hésité à le traduire « à la française » : MANIAC COP (OU COMMENT J’AI EXPLOSÉ DES GROSSES PUTES AU RIOT GUN), LE GENOU DE MANIAC COP ou encore MANIAC COP (RIVE DROITE). Heureusement, il n’en fut rien et une fois dans la salle, le gamin de 12 ans est déjà conditionné pour se prendre une bonne grosse révélation dans la tronche. Imaginez donc : les synthés susurrants de Jay Chattaway, les ruelles pouilleuses d’un New York pas encore nettoyé par la « Tolerance Zero » du maire Giuliani, des malfrats courant dans les allées de Central Park et la caméra viscérale du père Lustig, qui suit le Maniac Cop avec sa lame/matraque en main, prêt à tomber sur le crime à bras raccourci. Le voilà qui sort de l’ombre, avec sa mâchoire qui fait le double, sa corpulence de bodybuilder shooté au Banania, son regard vitreux et ses plaies béantes qui lui cachent son visage de petit salopiot de droite… Là encore vous ne vous dîtes qu’une chose : ce mec, c’est une star, obligé ! Le truc, c’est que les exécutifs d’Hollywood ne fonctionnent pas comme des gamins de 12 ans, même s’ils se plaisent bien à le penser, ce qui veut dire qu’un Robert Z’Dar (puisque c’est bien de lui qu’on parle, vous l’aurez compris) ne sera jamais devenu une star du grand écran… Et c’est en réalisant sa méprise quelques films plus tard (TANGO & CASH, UPWORLD, DAR L’INVINCIBLE 2) que le gamin de 12 ans découvre avec joie la notion de « seconds couteaux », dans laquelle se range le grand Z (au sens propre également : 1m88, mine de rien).
Une scène musclée de MANIAC COP 2
Né Robert J. Zdarsky le 3 juin 1950 à Chicago, Robert Z’Dar n’est pas immédiatement frappé par le virus du jeu et se cherche longtemps avant de se décider à monter sur les planches. Pendant ce laps de temps, Robert sera tour à tour auteur de jingles publicitaires, policier à Chicago, chanteur/guitariste pour le groupe de rock Nova Express (le groupe se produira en première partie de Jefferson Airplane et The Who, excusez du peu !) et même Chippendale, ce dernier job faisant quand même un peu tâche sur son CV de gros dur. À l’âge de 34 ans, Robert se lance enfin dans le cinéma avec un petit rôle dans CODE NAME : ZEBRA ou il donne la réplique à James Mitchum, le fils aîné de Robert. Des débuts pas très remarqués, d’autant que Robert se cherche longtemps, y compris sur son nom de scène qui change plusieurs fois (il se fait d’abord appeler Robert West, puis Robert Darcy, puis Robert Zdar avant de se mettre d’accord sur l’apostrophe). Pas vraiment taillé pour jouer la sérénade au balcon des gentes dames, Robert Z’Dar enchaîne avec des rôles d’agents de sécurité, de chef de gang (dans CHERRY 2000 avec Mélanie Griffith), de mari abusif et de serial killer avant de taper dans l’œil de William Lustig qui lui offre le rôle de sa vie, celui de Matt Cordell, alias le « Maniac Cop » précité, après l’avoir vu user de son instinct meurtrier dans THE NIGHT STALKER. Aucune ligne de dialogue, un faciès monolithique à souhait et une économie de geste qui font de lui le flic zombiesque / psychopathe / revanchard / increvable / salopiot (ne rayez aucune mention, elles sont toutes utiles !) le plus crédible de l’histoire du cinéma. Certes, Robert Z’Dar n’est pas Laurence Olivier, et le succès d’estime de MANIAC COP ne lui permet pas d’obtenir les rôles que l’on propose à Mel Gibson et Arnold Schwarzenegger (comme j’aurai pu le penser du haut de mes 12 ans), mais toujours est-il que la carrière du bonhomme est lancée pour de bon : après une infidélité à son rôle fétiche (l’inénarrable SAMURAI COP, ben alors qu’est-ce que c’est que ce bordel ?) et une apparition remarquée dans TANGO & CASH (ou il se fait péter la mâchoire par Sylvester Stallone, c’est dire si Sly est balaise !), Z’Dar revient au rôle de Matt Cordell dans MANIAC COP 2, toujours sous la direction de William Lustig. Même si cette suite fonctionne sur le principe du bigger / better / louder, Robert Z’Dar reste égal à lui-même, si ce n’est qu’il apporte une très légère touche pathétique à son personnage, au look plus ouvertement fantastique que dans le précédent opus. La collaboration avec le « mentor » Lustig se termine sur le très décevant MANIAC COP 3, que le réalisateur ne terminera malheureusement pas, puisqu’il sera remplacé par l’infiniment moins talentueux Joel Soisson, producteur spécialisé dans le film d’horreur qui schlingue, comme en attestent un paquet de produits Dimension. Abonné aux rôles de méchants spécialisés dans les accoutrements ridicules (DAR L’INVINCIBLE 2, FUTURE WAR), Robert Z’Dar aura tourné dans plus d’une centaine de films depuis ses débuts, principalement avec des stars du DTV qui rentre dans le lard (Donald G. Jackson, Wings Hauser, Joseph Merhi, Daniel Bernhardt et on en passe), et on ne comptabilise finalement que trois films de studios (CHERRY 2000, TANGO & CASH et LES INDOMPTÉS) dans toute sa carrière. Fidèle à l’horreur, au fantastique et à l’action (avec un tel physique, on ne l’imaginait pas vraiment ailleurs), Z’Dar aura terminé sa carrière dans une palanquée de séries Z à raison de deux ou trois films par an (dont le fameux ZOMBIEGEDDON avec Tom Savini). Malgré des problèmes de santé qui l’ont forcé à mettre la pédale douce sur le travail, le comédien n’a jamais cessé de travailler (même si les films dans lesquels il apparaît sont pauvrement distribués) et devait même apparaître dans SAMURAI COP 2 : DEADLY VENGEANCE, la suite tardive de son autre titre de gloire. Mais à l’heure ou Nicolas Winding Refn et William Lustig travaillent de concert sur un projet de reboot de MANIAC COP (qui devrait donner lieu à une série télé HBO aux dernières nouvelles), Robert Z’Dar peut reposer en paix : bon courage pour remplacer une telle force de la nature dans le cœur des fans. Même si ceux-ci n’ont plus 12 ans depuis longtemps…